mercredi 20 février 2013

Jeremy Rifkin

Ses tarifs sont ceux d'une star. Mais les collectivités locales sont prêtes à dépenser beaucoup pour écouter ses conseils. Après avoir travaillé pour la ville de San Antonio, au Texas, puis pour la municipalité de Rome, conseillé les dirigeants européens Romano Prodi, José Zapatero, José Manuel Barroso ou Angela Merkel, l'économiste américain Jeremy Rifkin débarque en France avec, dans ses bagages, la promesse d'une "troisième révolution industrielle", celle de la transition énergétique.

Début octobre, la ville de Rennes, engagée dans une réflexion sur l'avenir de la métropole, lui a déroulé le tapis rouge : un séminaire avec les élus de l'agglomération et les représentants de grands groupes industriels, une conférence publique avec 800 personnes.

En Bretagne comme ailleurs, l'Américain a plaidé pour une sortie de l'économie carbonée et nucléarisée en déconcentrant la production d'électricité, en transformant chaque bâtiment en microcentrale solaire et en créant des réseaux intelligents de distribution. Coût de la prestation : 25 000 euros !

Malgré les critiques de l'opposition, la mairie défend sa démarche. "Je ne suis pas dupe, Jeremy Rifkin est aussi un homme d'affaires. Mais vu l'impact, cela n'est pas si cher", explique le directeur de la communication de Rennes, Jean de Legge. "Nous voulions un temps fort dans ce cycle de réflexion : nous allons devoir changer de modèle et il faut mobiliser la population, les élus, les services administratifs. L'intérêt de faire venir Jeremy Rifkin, c'est de sortir d'un discours sacrificiel sur le développement durable et de dessiner un horizon positif."

"PENSER AUTREMENT"

L'Américain a proposé aux élus rennais de poursuivre sa collaboration. La ville hésite, tentée par sa "capacité à penser autrement", mais rebutée par ses tarifs. Elle pourrait s'engager aux côtés d'autres partenaires. "Tout ne se passera pas comme il le promet, mais il peut nous aider à mener des ruptures fortes", estime l'élu chargé du développement durable, Bernard Poirier. "L'enjeu est considérable pour nos collectivités : atteindre l'autonomie énergétique et rendre disponible une énergie gratuite", ajoute Jean de Legge.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, le contrat est déjà signé. Le 14 novembre, à l'occasion du Forum mondial de l'économie responsable, devant un parterre d'élus, de chefs d'entreprise, l'économiste donnera de nouveau une conférence sur le thème "développement durable, développement rentable". Surtout, il va accompagner pendant neuf mois la collectivité pour lancer le chantier régional de la transition énergétique.

"Sa mission, c'est de produire un master plan, une démarche stratégique en matière d'énergie et de développement durable, dessiner une méthode. Il doit changer nos logiciels", explique Patrick Bonneux, chargé de mission à la région. C'est Philippe Vasseur, l'ancien ministre de l'agriculture d'Alain Juppé, en retrait de la vie politique, qui est à l'origine de l'opération. Président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Nord-Pas-de-Calais et organisateur du World Forum, il a convaincu le président socialiste de la région, Daniel Percheron, de nouer ce partenariat.

"Quand j'ai lu son livre, je me suis dit, il nous le faut ! Notre région fut au coeur de la première révolution industrielle, elle a été mise à mal par la deuxième, il faut qu'elle rebondisse sur la troisième. L'idée, c'est d'appliquer concrètement des mesures pour parvenir à la transition énergétique. Nous attendons de M. Rifkin qu'il nous aide à concevoir un nouveau schéma d'aménagement. Nous voulons des engagements à effet immédiat", assure Philippe Vasseur.

"TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE"

Les grands fournisseurs d'énergie ont manifesté leur intérêt à participer au comité de pilotage. La région veut associer aux travaux les trois agglomérations et les deux départements. La facture est coquette : 360 000 euros, financés par la région et la CCI. "Jeremy Rifkin met à notre disposition une équipe de quinze personnes", assure M. Vasseur. Cette escouade ne sera pas installée à demeure, mais effectuera quelques allers-retours entre la France et les Etats-Unis.

L'américain séduit les responsables socialistes et écologistes, beaucoup moins la droite. Durant la campagne présidentielle, Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l'écologie, avait ignoré la proposition de rencontre lancée par l'économiste en pleine tournée promotionnelle de son dernier livre.

François Hollande l'avait reçu pendant trois quarts d'heure. Arnaud Montebourg l'avait consulté très longuement. Le ministre du redressement productif se dit encore "profondément marqué" par sa théorie et a repris le titre de l'ouvrage de Jeremy Rifkin pour appeler à "la troisième révolution industrielle". L'Américain a trouvé en France un nouveau marché.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/11/07/jeremy-rifkin-le-gourou-vert-des-elus-locaux_1787085_3244.html

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