lundi 2 avril 2012

En Birmanie, le parti d'Aung San Suu Kyi triomphe aux législatives partielles

Je suis admirative de la tenacité, du courage et de la force de caractère d'Aung San Suu Kyi, qui a su faire evoluer les choses dans son pays... Stand up pour la Dame de Rangoun, la pluie commence par une goutte d'eau.

"Un triomphe, pour le parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), une gifle pour le gouvernement issu de l'ex-junte et qui reste composé en majorité d'anciens militaires : si ce que revendique l'opposition se confirme quand les résultats officiels des législatives partielles du 1er avril seront annoncés cette semaine, la victoire est écrasante. "C'est la victoire du peuple", a clamé dimanche soir "la Dame de Rangoun".
On avait pu imaginer que son succès ne serait pas aussi total, compte tenu de la force de persuasion - plus ou moins coercitive - des responsables politiques locaux roulant pour le régime. Mais l'image de "Suu" est telle dans tout le pays que la NLD aurait raflé la quasi-totalité des sièges qu'elle disputait.
Déjà, lors des législatives de 1990, le parti nouvellement créé d'Aung San Suu Kyi avait remporté plus de 80 % des sièges. Mais les généraux avaient ignoré les résultats. Le "Myanmar" avait replongé pour vingt ans dans l'absolutisme militaire. Jusqu'à ce qu'en 2011, après un autre scrutin terni par une fraude massive, le régime se lance dans une série d'ouvertures politiques sans précédent depuis le coup d'Etat militaire de 1962.
A Kalaw, dans l'Etat shan, au nord-est du pays, les électeurs de cette circonscription multiethnique de 150 000 habitants ont afflué très tôt, dimanche, devant les bureaux de vote. Sur le plateau shan, à des centaines de kilomètres de Rangoun, l'enjeu était des plus complexes. Cet Etat qui compte une trentaine de populations différentes est le précipité d'un pays dont un tiers des 60 millions d'habitants n'appartient pas aux Bamar, l'ethnie principale.

ADULATION APPARENTE
Kalaw est une petite ville coloniale, construite par les Britanniques à plus de 1 000 mètres d'altitude. Une fraîcheur relative y règne en cette avant-mousson, malgré les fumées émanant des cultures sur brûlis alentour et un ciel d'où tombe la lumière glauque d'un soleil voilé. La diversité ethnique n'a pas empêché la NLD de marquer des points sur ces hauteurs : la Ligue a gagné le seul siège parlementaire disputé par quatre partis, dont celui du pouvoir, le Parti pour la solidarité et le développement de l'union (USDP).
"J'ai voté pour le parti d'Aung San Suu Kyi parce les militaires nous ont plongés durant vingt ans dans le sous-développement" : réaction à la sortie des urnes de Su Lat Phyu, 21 ans, ouvrière dans une entreprise de maçonnerie, toute pimpante dans son long pagne vert d'eau. "On ne peut pas être sûr à 100 % que les militaires ne reprendront pas le pouvoir. Cette possibilité est inscrite dans la Constitution", tempère Ukyauk, paysan d'une petite ethnie, les Tangyo. Du même bureau de vote sort soudain une toute petite dame, serviette de toilette enroulée sur le crâne, sourire dévoilant de noirs chicots. Daw Swhe Shid, 75 ans, de l'ethnie Pao, majoritaire ici, a voté elle aussi pour "la Dame de Rangoun" : "Je l'aime tant !"
Cette apparente adulation cache cependant de très insolubles réalités : Aung San Suu Kyi est la fille du général Aung San, héros de l'indépendance assassiné, dont les successeurs avaient été impuissants à satisfaire les revendications autonomistes des ethnies minoritaires. Ces dernières, même si elles admirent la personnalité de sa fille et reconnaissent son courage, lui reprochent souvent son manque de vision quant à l'établissement d'une véritable fédération. "Beaucoup de ces ethnies voient d'abord et surtout Aung San Suu Kyi comme un membre de l'élite birmane", indique à l'AFP Jim Della-Giacoma, de l'ONG International Crisis Group.

"TENSIONS ENTRE LES PEUPLES"
Mais les difficultés à venir vont bien au-delà des insuffisances du discours de la NLD. L'Etat shan, où des groupes armés sont encore actifs en dépit de la signature récente d'accords fragiles de cessez-le-feu, est un brûlot ethnique. Rien qu'à Kalaw, on dénombrerait une trentaine d'ethnies distinctes. Aux intérêts parfois divergents.
"Il y a des tensions entre les peuples", explique Kyaw Kyaw, employé dans une agence de tourisme. "Les Pao, qui sont ici majoritaires, disent que l'on peut cohabiter. En fait, ils ne pensent qu'à eux. Par le passé, ils avaient eux aussi leur groupe armé. Mais depuis une trêve conclue en 1991 avec le gouvernement, ils bénéficient d'avantages qui n'ont pas été accordés aux autres groupes."
L'un des partis présents aux élections est une formation de l'ethnie shan, celle qui donne son nom à cette immense région, le parti du Tigre blanc. "Autrefois, on nous a accusés de séparatisme. C'est faux, ce que nous voulons, c'est l'autodétermination, pas la guerre !", explique U Sai Hla Kyaw, secrétaire général de la formation. Et les promesses du gouvernement ? "Wait and see", répond-il...
Aux élections de 2010, ce "Tigre", ou Parti démocratique national shan, est devenu la deuxième formation au Parlement national. Au risque d'être accusé d'opportunisme par d'autres groupes"

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/04/02/en-birmanie-le-parti-d-aung-san-suu-kyi-triomphe-aux-legislatives-partielles_1678954_3216.html

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